Covid-19 : un interféron aiderait les enfants à éviter les formes graves

21.09.2022 - France

Des travaux, conduits sur des muqueuses respiratoires reconstituées en laboratoire, ont permis d’étudier la dynamique de l’infection par le SARS-CoV‑2 chez des enfants et des adultes, ainsi que les réponses immunitaires associées. Une différence dans la vitesse de la libération d’un médiateur de l’immunité innée antivirale, l’interféron III, pourrait expliquer la moindre sévérité de la Covid-19 chez les plus jeunes.

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Dès le début de la pandémie, il est apparu que la Covid-19 était plus sévère chez les adultes que chez les enfants, sans qu’aucune explication évidente puisse être avancée. Aussi, trois équipes de chercheurs se sont regroupées dès le premier confinement pour se pencher sur cette question. « Les infections par le SARS-CoV‑2 débutent au niveau des voies aériennes supérieures (nez, gorge...). Les formes graves surviennent après dissémination du virus au niveau des voies aériennes inférieures (dans les poumons), explique Harald Wodrich, l’un des scientifiques qui a participé à ce travail. Nous avons donc supposé que des phénomènes distincts se produisent précocement chez l’adulte et chez l’enfant. » En réunissant leurs expertises en virologie, en imagerie et en pneumologie, ces scientifiques ont pu identifier plusieurs particularités pédiatriques.

Pour étudier la dynamique de l’infection et de la réponse immunitaire dès les premiers jours après le contact avec le virus, les chercheurs ont utilisé des échantillons d’épithéliums respiratoires (les muqueuses qui recouvrent la surface des voies aériennes) prélevés chez des adultes ou des enfants. Ils ont utilisé ces prélèvements pour reconstituer des épithéliums fonctionnels, placés dans des supports qui permettent de mimer les conditions physiologiques, à l’interface d’un milieu de culture (liquide) et de l’air extérieur. Ces épithéliums ont ensuite été infectés par le SARS-CoV‑2.

« Chez l’adulte, nous avons observé une cinétique d’infection des cellules plus rapide que chez les enfants. Plus important encore, nous avons noté qu’après 3 à 4 jours, les cellules qui bordent la face externe de l’épithélium (cellules épithéliales) fusionnent avec des cellules plus profondes (cellules basales) pour former de grands amas qui contiennent de nombreuses copies du virus. Ces amas, appelés “syncytia”, sont capables de se détacher de l’épithélium. Ils peuvent alors migrer jusque dans les voies aériennes inférieures. Or, leur présence a par ailleurs été décrite dans les poumons de patients décédés de la Covid-19. Cette libération compacte du virus pourrait donc contribuer à la sévérité de la maladie », explique le chercheur.

Un rôle clé de l’interféron III

Parallèlement, les scientifiques ont observé que certains épithéliums obtenus à partir de prélèvements réalisés chez desenfants sont plus résistants à l’infection, avec une réponse inflammatoire atténuée et une sécrétion d’interféron III (IFN-III) plus rapide que chez les adultes. La formation de syncytia semblait également moins fréquente, probablement en raison du délai plus lent d’infection. Pour mieux appréhender le rôle de l’IFN-III dans la réponse à l’infection, les chercheurs ont conduit une autre série d’expériences : « Nous avons constaté que délivrer cet interféron au niveau d’un épithélium adulte réduit la réplication virale et que, à l’inverse, supprimer le gène codant pour l’IFN-III favorise la progression du virus et la formation de syncytia. » L’ensemble de ces observations pourraient expliquer les différences de susceptibilité à l’infection par le SARS-CoV‑2 liées à l’âge, même si quelques adultes ont une réponse proche de celle des enfants et inversement.

« Notre approche était originale car la combinaison de la microscopie et de la biologie moléculaire nous a permis de visualiser les différences dans la propagation de l’infection selon l’origine des épithéliums (enfants ou adultes), et de corréler ces observations avec la réponse inflammatoire et la cinétique virale », souligne Harald Wodrich.

Le chercheur souhaite poursuivre ce travail pour savoir si ces phénomènes sont spécifiques à l’infection par le SARS-CoV‑2 ou si on les retrouve avec d’autres virus respiratoires. Avec son laboratoire et ses partenaires, il reconduit actuellement les mêmes tests en utilisant des adénovirus et des rhinovirus, des virus responsables d’infections respiratoires généralement bénignes (rhume, rhinopharyngite...). « Le fait que chacun des épithéliums que nous utilisons provienne d’un seul patient (adulte ou enfant), contrairement à la plupart des épithéliums commercialisés, nous permettra de savoir si les différences de réponse sont déterminées par la nature des virus ou par les caractéristiques du “donneur d’épithélium”, telles que son âge. »

Quant à la lutte contre la Covid-19, ces résultats offrent d’ores et déjà une meilleure compréhension des phénomènes à l’origine de la sévérité de la maladie. Ils pourraient aider les cliniciens dans l’optimisation des traitements développés pour lutter contre les formes graves.

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