Décoder le langage des réponses immunitaires

Des résultats qui ont des implications pour l'amélioration des traitements d'immunothérapie

08.06.2022 - Canada

Fièvre, toux, maux de gorge – des symptômes sous les projecteurs à l'ère de la COVID-19 – ne sont que quelques-uns des signes révélateurs de l'action de notre système immunitaire contre un pathogène. Qu'elles soient déclenchées par une infection, un allergène ou un vaccin, les réponses immunitaires sont régies par un ensemble complexe de processus cellulaires qui se déroule sur plusieurs jours, voire plusieurs semaines.

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Image symbolique

On en sait beaucoup sur les processus globaux en jeu dans les réponses immunitaires. Toutefois, en raison du grand nombre de variables impliquées, identifier des cibles pour développer des traitements ou des vaccins revient à chercher une aiguille dans une botte de foin. La situation pourrait maintenant changer grâce à une nouvelle étude menée par des chercheurs de l'Université McGill et du National Cancer Institute (NCI) des États-Unis, publiée récemment dans Science. Cette étude se penche sur un processus fondamental du système immunitaire : le rôle de protéines messagères appelées cytokines dans les signaux et le démarrage de la réponse immunitaire.

Le rôle crucial des messagers

Notre système immunitaire est souvent comparé à un champ de bataille. Des globules blancs importants, les lymphocytes T, voyagent à travers les systèmes sanguin et lymphatique et dans les tissus, à la recherche de traces de micro-organismes et d'autres envahisseurs appelées antigènes. Pour éviter d'attaquer indistinctement des cellules saines, les lymphocytes T circulent jusqu'à ce qu'ils reconnaissent un antigène spécifique; ce n'est qu'alors qu'ils envoient des messages sous forme de cytokines pour signaler une situation anormale et mettre le système en alerte.

« On pourrait penser a priori qu'il existe de nombreux paramètres cruciaux très différents dans la réponse immunitaire – par exemple, le nombre de lymphocytes T produits pour combattre les pathogènes peut varier, voire la quantité de pathogènes (antigènes) elle-même », explique Paul François, le biophysicien de McGill ayant dirigé l'équipe d'analyse des données qui incluait les doctorants en physique de McGill François Bourassa et Thomas Rademaker. « Mais la grande surprise est qu'en fait, la seule chose qui compte vraiment est la force des antigènes. »

Les mathématiques pour identifier les variables essentielles

Jusqu'à présent, il était difficile de mesurer la force d’un antigène – définie comme l'efficacité avec laquelle cet antigène active la réponse des lymphocytes T – indépendamment de la quantité de l’antigène présente dans une expérience donnée. Or, en utilisant une approche guidée par les données et grâce à la collaboration cruciale avec le NCI, Dr. François et ses collègues ont pu décoder le phénomène hautement variable de la production de cytokines pour obtenir une mesure fiable de la force d'un antigène. Cette méthode pourrait se révéler très utile pour prédire l'efficacité d'un prototype de vaccin ou d'un traitement d'immunothérapie.

Pour étudier ce phénomène en détail, les chercheurs du NCI, dirigés par Grégoire Altan-Bonnet, ont mis au point une plateforme robotique pour effectuer des dizaines d'expériences à la fois où des lymphocytes T sont exposés à divers antigènes et conditions. Sooraj Achar, un doctorant du laboratoire Altan-Bonnet, a optimisé un système automatisé afin de recueillir de grandes quantités de données en une fraction du temps qu'il aurait fallu pour faire les mêmes expériences manuellement.

« La cartographie complète de la dynamique des cytokines générée par les lymphocytes T dans des contextes très divers présente un défi et une occasion de mieux comprendre comment les lymphocytes T "voient" le monde antigénique et orchestrent les réponses immunitaires », a souligné Dr. Altan-Bonnet.

Les membres de l'équipe de McGill ont ensuite utilisé l'apprentissage automatique pour traiter les données générées par ces expériences, et ont développé des modèles mathématiques pour capturer les structures sous-jacentes aux données. Cette modélisation a révélé des règles étonnamment simples au cœur de ce qui pourrait autrement apparaître comme un processus très complexe soumis à de multiples variables.

Un spectre de réactions immunitaires ?

L'analyse a également montré que les dynamiques des cytokines contenaient des informations sur le type d'antigène rencontré, et encodaient au moins six réponses cellulaires distinctes plutôt que les trois types habituellement reconnus.

« Cela confirme l'idée que la réponse immunitaire n’est pas binaire “active-inactive”,  mais plutôt qu’elle s’ajuste sur un spectre continu », ajoute Dr. François. « Il peut y avoir différents niveaux de réponse immunitaire qui peuvent être réglés au bon degré d'alerte en fonction de la complexité de la situation. » Cette nouvelle compréhension est susceptible d'améliorer les stratégies d'immunothérapies qui reposent sur des cellules T conçues pour cibler les tumeurs d’un patient.

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